14 avril – Les drôleries du train

Je suis assise dans le TGV pour rentrer en Suisse. Mon voisin, un hispanophone très sympathique, se tourne vers moi :

– J’ai une consigne à vous donner : si je ronfle, donnez moi des coups de coude. J’ai de l’apnée du sommeil et je n’ai pas envie qu’on me jette du train.

Je rigole et j’obtempère.

Quinze minutes plus tard, il ronfle comme un camion, le menton calé sur sa poitrine. Il n’avait pas menti.

01 janvier – Dong dong dong

Dong, dong, dong… nous sommes le 31 décembre (oui je poste toujours avec un jour de délai). J’ouvre un œil et elle est là, elle m’attend, la vieillesse ! Les portes sont ouvertes. Il est temps de quitter la trentaine ! En novembre 2024, je rentrerai dans ma quarantième année et… pour me rappeler que c’est un pas de plus en direction de ma tombe… le réveil se fait avec un affreux torticolis ! Je suis aussi rigide qu’un garde suisse en plein service. J’ai mal !

L’avantage : j’ai le port altier de la reine d’Angleterre ! Très chic pour aller prendre le petit-déjeuner.

Bref. Malgré cela, nous décidons quand même d’aller explorer Shenzhen. Douleur, je t’aurai ! Nous nous dirigeons donc vers le OCT Creative Hub, un quartier d’anciennes usines réaffecté en zone creative. Boutiques de designers, galeries, librairies, ateliers… nous explorons les coins et recoins de ce quartier à l’ambiance hipster et détendue.

Nous admirons une exposition très étrange. J’en viens à me demander si les textes expliquant les oeuvres n’ont pas été écrits par Chat GPT avant d’être grossièrement traduits sur un outil de traduction automatique tant ça n’a ni queue ni tête – il est question d’anges et de cheval vert que nous sommes tous au fond de nous… ainsi que de pigeons qui représentent la vie (mais les œuvres étant… esthétiquement discutables également… ça se recoupe – et pourtant habituellement, j’aime beaucoup l’art contemporain).

Nous nous arrêtons ensuite dans un café, observant les gens aller et venir. Je cale mon cou contre un rebord et je suis bien, avec la musique électro qui s’échappe de hauts parleurs. Il fait 25 degrés. C’est très agréable.

Ensuite, nous nous dirigeons vers un autre lieu vanté par les blogs listant les choses à faire à Shenzhen. La ville étant récente… elle s’est construite en 30 ans à peine sur un petit village de pêcheurs dont il ne reste que peu de choses… nous n’embrayons donc pas sur une visite historique. J’ai lu que le quartier de Upperhills était super, très beau architecturalement parlant. Alors go ! Mais en arrivant, c’est la déconfiture : c’est juste un mall. Il est certes assez Instagrammable et a la particularité d’être suspendu entre deux parcs… mais à part cela, c’est juste un centre commercial en somme. Nous en faisons vite le tour et rentrons faire une petite sieste. Je dois être en forme pour ce soir, il n’est pas question que mon torticolis m’empêche de célébrer 2024 avec panache! Non non non ! 2024 sera l’année de tous les possibles puisque je serai excusée de tout (ce sera la crise de la quarantaine, ça ne sera pas de ma faute, niak niak niak)!

Le soir venu, nous sortons manger. Nous nous asseyons sur une terrasse, un 31 décembre. Même après 6 ans loin de la maison, je n’en reviens toujours pas. Devant nous, un énorme sapin de Noël décore la rue (en passant en boucle Last Christmas, All I want for Christmas is you et Santa Claus is coming to town…). Une machine à mousse simule de la neige. Les gens sont tout fous et patinent sur le sol devenu glissant.

Après le repas, nous nous promenons un peu (et fuyons la musique de Noël) puis nous rejoignons le bar où jouaient les musiciens sud-africains d’hier soir. Ils organisent un concert spécial fait de reprises très festives. J’avale un anti douleur et hop, je suis prête pour la soirée. Il faut dire qu’il y a 4 ans que nous n’avons pas eu le droit de célébrer dignement le passage de nouvel an et je suis avide de musique live et de fête. Nous nous en donnons à cœur joie. C’est super super sympa ! Et c’est ainsi que nous rentrons dans 2024 !

Bonne année à vous tous et merci de me lire !

31 décembre – Shenzhen, nous voilà !

Ce matin, il pleut sur Guangzhou. La ville est recouverte d’un petit brouillard désagréable. Nous restons donc au chaud en attendant l’heure de nous rendre à la gare.

Vers 10h30, nous nous mettons en branle. Sur la route vers la gare qui se situe vraiment hors du centre, nous observons des bâtiments aux formes improbables. Puis, en arrivant à la gare, nous sommes surpris par sa taille. Elle est plus grande que l’aéroport de Genève ! C’est une halle immense !

30 minutes plus tard, nous voilà à Shenzhen ! Nous déposons nos affaires à l’hôtel avant de partir explorer Daifen, un village d’artistes, situé dans l’agglomération de Shenzhen.

Le lieu a été fondé par un homme d’affaires et peintre hongkongais en 1989. En effet, à cette époque là, la multinationale Walmart aurait commandé au businessman 40’000 tableaux à livrer en 40 jours. Il aurait donc ouvert un studio à Daifen et engagé de nombreux copistes…

Le succès est au rendez-vous. Il crée donc une usine, ce qui attire de nombreux jeunes artistes qui viennent s’y établir et le lieu devient la capitale mondiale de la copie de toiles.

En 2002, dixit mon ami Wikipedia, 150 ateliers emploiaient 8 000 peintres qui ont chacun leur spécialité (portraits, tableaux de Van Gogh, peinture traditionnelle chinoise, Léonard de Vinci, cubisme, etc.). 60% des copies à l’huile mondiale seraient d’ailleurs créés là.

Dans la culture locale, les artistes ne considèrent pas la copie comme quelque chose de mal mais comme un grand savoir faire qui leur permet de gagner leur vie tout en pratiquant leur art. Pour ma part, en arpentant les rues, je suis épatée par la dextérité des artistes qui créent des œuvres sublimes.

Au dehors, de nombreux cours de peinture sont donnés à même la rue. C’est une ambiance très agréable et j’ai un vrai coup de coeur pour cet endroit insolite !

Nous continuons notre balade jusqu’à Dongmen, une zone piétonne spécialisée dans la streetfood. Des marchés immenses vendent toutes sortes de choses à manger : brochettes, pancakes aux oignons, fruits de mer, patates sautées, desserts colorés. Nous nous en donnons à cœur joie et goûtons de tout.

Puis, nous terminons la soirée en écoutant un groupe de RnB sud-africain chanter divinement bien au coeur d’un bar en haut d’une tour. Une journée parfaite en somme.

30 décembre – Où l’on se perd dans Guangzhou

Ce matin, je me réveille tardivement. La fatigue aura eu raison de moi. Mais à peine levée, nous reprenons nos explorations.

Ce n’est pas simple. Les guides touristiques que je possède accordent à peine une page à la capitale du Sud. Je dois donc croiser les infos, chercher sur Internet, puis ensuite tâcher de trouver les adresses sur Google (qui ne comprend pas la moitié d’entre elles…) car l’application maps que j’ai sur WeChat est en chinois et je ne suis pas équipée d’un iPhone, seule alternative efficace.

Bref, après quelques investigations, nous filons donc vers le Yuexiu park qui renferme une partie de l’ancienne muraille de la ville, la résidence de Sun Yat Sen (encore une!) et une emblématique statue de cinq chèvres qui sont le symbole de la ville.

En effet, celle ci raconte que dans l’ancienne Guangzhou, il fut un temps où une sécheresse durait de nombreuses années. La nourriture était extrêmement rare et les gens luttaient contre la famine. Mais un jour, une mélodie s’est fait entendre dans toute la ville et un nuage est apparu. Sur celui-ci, se tenaient cinq dieux assis sur le dos de chèvres de cinq couleurs différentes. Chacun tenait une gerbe de blé à six tiges qu’ils donnèrent au peuple, accompagnés des cinq chèvres. À partir de ce moment-là, Guangzhou ne connut plus jamais la sécheresse et obtint de riches récoltes. Les cinq chèvres se transformèrent en pierre.

Bref, nous avons arpenté le parc. De nombreuses personnes âgées y faisaient du sport ou y chantaient à tue-tête. Au passage, nous sommes tombés sur le musée historique de Guangzhou situé dans un bâtiment datant de la dynastie des Ming. Et nous avons trouvé les chèvres – qui, je dois bien l’admettre, ne sont pas très jolies. Mais bon.

Nous nous sommes ensuite dirigés vers un lieu qui avait l’air super sympa : Redtory. Un lieu près de la rivière avec d’anciennes usines transformées en galeries d’art et en lieu hipster. Nous avons donc traversé la ville (tous les lieux intéressants se trouvent aux antipodes les uns des autres). En arrivant devant, un garde nous a stoppé net. Il ne parle que mandarin mais le message est clair : personne ne passera. C’est alors que nous tombons sur un couple. La jeune femme est cantonaise et nous précise que le lieu n’a pas survécu au Covid. A l’heure actuelle, tout est abandonné et d’ici quelques mois l’endroit aura été transformé en supermarché géant.

Nous sommes au beau milieu de nulle part. Alors nous décidons de revenir dans un lieu touristique et nous dirigeons vers la tour de Canton, un building de 500 mètres de haut construit en torsade. Tout près de la tour, nous nous arrêtons manger des dim sum. Nous voulons comparer avec Hong Kong. Et ils sont délicieux, énormes et très frais. Les serveuses sont au petit soin pour nous.

Puisque nous y sommes, nous décidons d’escalader la tour. Nous prenons l’ascenseur… traversons les 45 boutiques de souvenirs et la vue est là ! Impressionnante malgré le smog.

En haut de la tour, un parc d’attractions a été aménagé : matériel de grimpe, œufs pour faire le tour de la structure, basejumping. Quand je vois l’état des rails des télécabines, je passe mon tour.

Un homme, assis sur l’un des plus haut pilier de la structure, répare quelque chose avec du matériel sommaire. J’ai des palpitations en le regardant. Il est accroché avec ses jambes, au dessus du sol, avec une petite balançoire en bois que j’aurais pu fabriquer moi-même. Il y a des héros du quotidien.

Nous redescendons. Il est déjà 5h du soir… et nous rentrons nous poser un moment.

Le soir venu, nous profitons calmement de notre dernière soirée en ville. Demain : direction Shenzhen pour le Nouvel An !

29 décembre – La belle Guangzhou

Pour passer le cap jusqu’à 2024, nous décidons de partir à la conquête d’une ville voisine de Hong Kong : Guangzhou, alias Canton. Située à 1h à peine en train de Hong Kong, on se devait d’aller l’explorer. Le jeudi matin, nous voilà donc à la gare de Kowloon Ouest pour aller prendre un train. On passe la douane, les contrôles. Et nous voilà en partance pour ce coin de pays que nous ne connaissons pas encore.

Une heure plus tard, nous y voilà ! Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel, nous partons donc à la conquête de la ville. Et quelle ville. C’est immense… IMMENSE ! C’est la 3e plus grande ville de Chine, après Shanghai et Pékin et c’est la capitale du Sud de la Chine. 15 millions d’habitants y vivent sur 8’000 kilomètres carrés, soit 100 fois plus grand que la ville de Zürich qui fait 80 km carré (pour vous donner une idée).

Nous commençons notre visite par l’ile de Shamian, qui techniquement n’est pas une île mais un très joli quartier en bord de fleuve. Après la guerre de l’opium, le quartier fut une rétrocession étrangère : française et britannique. Elle a toujours son âme d’antan avec ses bâtiments coloniaux et ses couleurs pastels. C’est très joli.

Nous y flânons, tout comme de nombreux mariés qui se prennent en photos, aux côtés d’influenceurs de tous types.

Nous remontons ensuite jusqu’à la Qingping Road, une rue bordée de marchands de fruits de mer séchés ! Dans un grand bac, des scorpions grouillent. Des chats miaulent dans des cages. Des fumets délicieux s’échappent des magasins. Les gens sont très gentils. Ils nous saluent chaleureusement lorsque nous passons, sursautant quand je leur réponds en cantonais. Car OUI, ici la langue que je m’évertue à apprendre depuis 5 ans m’est utile ! C’est très satisfaisant ! Ils me comprennent et je les comprends.

Nous remontons les rues, observons tout ce qui s’y passe. Dans un des quartiers, des magasins d’emballage se succèdent. Des sachets par milliers : de toutes formes, tailles, matériaux… on sent toute la puissance manufacturière de Canton alignée sur les trottoirs.

Plus loin, se dresse la cathédrale du sacré-cœur de Shizhi. Elle a été construite en 1860 sur le modèle de la basilique de Sainte Clothilde de Paris. On se croirait vraiment en France. A la seule différence que les bancs sont tous occupés. Des touristes chinois pas dizaines se reposent sous la lueur des vitraux en parlant excessivement fort.

Vers 17h30, la pollution commence à augmenter massivement. Nous étions en air passable, on atteint le seuil airpocalyptique dixit notre application. Ma peau commence à me piquer. Une migraine m’attaque. Il faut rentrer, ce n’est pas bon.

Le soir même, la serveuse qui nous sert, se met à me parler d’opéra cantonais pendant le repas (en cantonais, je suis très fière). Puis le soir, à la télévision, nous tombons sur une chaîne de télévision complètement dédiée au genre. Nous sommes bel et bien à Guangzhou !